Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile

Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile
2019
Joe Berlinger

Dans l’industrie du cinéma, il faut désormais composer avec un nouvel acteur majeur : Netflix, qui après avoir marqué le monde des séries compte bien en faire autant avec les longs-métrages. Le service de streaming multiplie les projets d’envergure et démontre une fois de plus sa capacité à séduire des stars très convoitées. Mais plus que son casting incroyable, c’est avant tout son histoire qui a attisé ma curiosité.

Le film retrace une histoire vraie, que nombre d’entre nous avons oublié ou n’étions pas encore né, et qui a pourtant beaucoup fait couler d’encre à l’époque. En 1969, Liz Kendall (Lily Collins), une jeune mère célibataire, va faire la rencontre d’un certain Ted Bundy (Zac Efron). Bel homme et charmeur, elle va tomber sous son charme, et il se révélera être un homme tendre et attention, prenant grand soin de sa fille. L’homme bien sous tout rapport, promu à un brillant avenir d’avocat. Pourtant, il sera arrêté en 1975 pour enlèvement aggravé et tentative de meurtre, le début d’une terrible descente aux enfers. Alors que les charges étaient inexistantes, il sera reconnu coupable, et à cause de similarités troublantes, plusieurs affaires de meurtres vont lui tomber dessus. Alors qu’il clame son innocence et qu’aucune preuve n’a été apportée, il se retrouve placardé comme l’ennemi public numéro un, condamné d’avance.

L’idée du film était gageure : ressortir une vieille affaire oubliée pour y faire naître un suspense terrifiant. Avons-nous affaire à l’une des plus grandes erreurs judiciaires de l’histoire ? Ou avons-nous affaire à un psychopathe affabulateur passé maître dans l’art du mensonge et de l’emprise psychologique ? Le doute était permis, d’autant que le film met en avant une justice expéditive et condamnant sans le moindre fait avéré. Le jeu de son interprète rend la confusion d’autant plus grande, l’ambiguïté étant effrayante. Avec en plus en face de lui de grands acteurs comme John Malkovich et Haley Joel Osment, et des têtes connues en grande forme (Kaya Scodelario et Jim Parsons), le niveau de jeu est vraiment très bon. Pour peu qu’on soit amateur de belles tirades et démonstration d’éloquence, les nombreux procès nous raviront. Un très bon film donc, mais il aurait pu être encore meilleur si la construction n’était pas bancale. Dès la première scène, on nous révèle bien trop de choses, rendant le déroulement prévisible, alors même que le développement regorge de surprises, aux effets amoindris par un choix incompréhensible. Reste une histoire captivante, mais pour le suspense il faudra repasser.

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La Première étoile

La Première étoile
2009
Lucien Jean-Baptiste

Qui dit fêtes de fin d’année dit films de saison à la télé. Alors que l’hiver s’installe doucement et que le manteau blanc se dépose sur les hauteurs, la neige se rappelle à notre bon souvenir au travers d’un quasi classique de la comédie potache qui a fait la marque de fabrique de son réalisateur et auteur, propulsé grâce à cette première tentative derrière la caméra. En plus d’un sacré au festival de l’Alpe d’Huez, le film a même été nominé aux Césars l’année suivante pour le prix du meilleur premier film. Enfin bon, face au bide du second opus débarqué huit ans plus tard, les choses sont à relativiser.

C’est bien connu, les français sont racistes, mais les antillais sont des fainéants. Sans travail depuis bien trop longtemps, Jean-Gabriel (Lucien Jean-Baptiste) va commettre l’imper de trop : promettre à ses enfants des vacances à la neige, alors même que sa femme (Anne Consigny) n’arrive pas à joindre les deux bouts et que ce genre de vacances coûte un bras. Habitué à ne pas tenir ses promesses, entre les rires moqueurs des gens à l’idée de voir des antillais à la montagne et le risque de perdre sa femme, Jean-Gabriel va cette fois décider de tout mettre en oeuvre pour concrétiser ce projet.

Oh mon Dieu, des noirs à la montagne, que c’est cocasse ! Le concept même du film faisait pitié tant n’importe qui ayant déjà mit les pieds dans une station de ski sait que c’est d’un banal confondant. Certes, statistiquement les personnes d’origine africaine ont des revenus inférieurs, de par un choix ou une nécessité d’études écourtées, et les vacances à le neige comptent parmi les plus chers qui soit, mais il n’empêche que pour peu qu’on soit passionné, le budget se trouve. L’idée aurait eu plus d’impact à l’époque d’un Rasta Rocket, sorti 15 ans plus tôt, et même là culturellement le film est arrivé avec une bonne décennie de retard, c’est dire à quel point toutes les blagues sur des noirs à la montagne n’ont aucun sens. Et malheureusement, le film se résume clairement à cela, notamment avec Bernadette Lafont qui joue les grand-mère Le Pen, outrée de voir ce genre d’individus dans leurs nobles montagnes, même si on se doute que les masques vont tomber et chacun va apprendre de l’autre. Le film avait bien quelques pistes intéressantes, mais même la romance entre l’aîné et la sublime Astrid Bergès-Frisbey ne marche pas, ne bénéficiant pas assez de temps à l’écran pour convaincre. Et avec la carrière internationale que cette dernière s’est bâtie, elle n’est pas revenue dans la suite, enlevant un intérêt de plus. A noter au passage qu’il a fallut attendre une grande partie du film pour que je comprenne que la mère est effectivement la mère biologique tant elle me paraissait trop blanche et jeune par rapport aux enfants. Enfin petit mot sur le père, âne bâté antipathique comme pas deux, dont l’inconscience et l’inconsistance lassent d’emblée. Aucun sujet n’est réellement traité, aucun personnage ne brille vraiment, et l’humour est éculé au possible. Le film est suffisamment court et rythmé pour qu’on ne s’ennui pas trop, mais cela sauve à peine les meubles.

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Frantz

Frantz
2016
François Ozon

La barrière psychologique de la différence est souvent difficile à franchir, et ce film en est un excellent exemple. Alors que son réalisateur est en état de grâce depuis quelques années avec nombre de succès critiques et commerciaux, prenant en plus en tête d’affiche la nouvelle coqueluche du cinéma, et malgré un triomphe d’estime, le film a peiné à convaincre les gens d’aller voir un film sur l’après Première Guerre Mondial en noir et blanc, et dont les dialogues sont aux trois quarts en allemand. Dommage, car le film n’est pas différent qu’en cela.

1919, la guerre s’est terminée mais les gens ne se réjouissent pas pour autant : beaucoup n’en sont pas rentré. C’est justement le cas de Anna (Paula Beer), pas encore marié est déjà veuve puisque son cher Frantz est tombé au front. Alors qu’elle se rendait sur la tombe de son défunt fiancé, elle va faire la rencontre d’Adrien (Pierre Niney), jeune français qui a rencontré Frantz à Paris lors de leurs études. Va alors naître une amitié alors que leurs nations sont ennemies et que les blessures sont encore vives.

Faire un film en noir et blanc pour un film d’époque, c’est un peu la solution de facilité, et effectivement, dans les faits c’est un camouflet à un manque de budget. Néanmoins, on oubli très vite ce manque, d’autant qu’il sert le propos, de même que la langue, à mettre au crédit du film, ne tombant pas dans la facilité d’un traducteur universel puisque la différence de culture et de langue fait partie intégrante de l’intrigue. Le scénario est d’ailleurs globalement une excellente surprise, esquivant les pièges classiques des quiproquos pour quelque chose de plus recherché et inattendu, nous prenant toujours à rebrousse poil. Reste qu’à toujours nous surprendre, le film en devient décevant, manquant d’un dernier acte, un sursaut de conscience des protagonistes jamais maîtres de leurs destins. C’est dommage, car en dehors de la conclusion, le film ne souffre d’aucune fausse note et les comédiens sont impressionnants de justesse, notamment la jeune allemande au regard si profond. Transformant son manque de budget en force de proposition, le film nous conte donc une histoire palpitante, rappelant certaines pièces de théâtre fortes en rebondissements. Sans aller jusqu’à crier au génie ou se ruer dessus, le film est un vrai vent de fraîcheur malgré son style désuet et réfractaire, et il mérite de s’y attarder si on croise sa route.

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Joker

Joker
2019
Todd Phillips

Alors que le MCU explose sans cesse tous les records, chez DC la situation était catastrophique entre des gadins critiques et commerciaux, de même qu’un univers étendu complètement bancal qui est tantôt abandonné, tantôt ressuscité. Projet auquel personne ne croyait, cette origin story sur l’adversaire le plus iconique de Batman partait très mal. Changeant une quatrième fois d’interprète pour le fameux rôle du clown de Gotham, le film est aussi réalisé par un spécialiste de la comédie pas très fine, à qui l’on doit notamment Very Bad Trip. Pas un mauvais film, loin s’en faut, mais quand il s’agit d’offrir une histoire sombre sur un tueur fou, le choix paraissait douteux. Même avec une bande-annonce sympathique, on y croyait toujours pas, puis vint l’impensable : une consécration à la Mostra de Venise, festival qui donne souvent le ton pour les grandes cérémonies, et le film surpris son monde en glanant le prix d’interprétation (le lion d’or) pour le rôle principal, de même qu’une nomination dans la catégorie meilleur film. A l’approche de la sortie un succès surprise se dessinait, mais rien ne pouvait laisser présager un tel raz-de-marrée : plus d’un milliard de dollars au box-office mondial, chose totalement inédite, non seulement pour un film classé R (interdit aux mineurs non accompagnés aux Etats-Unis), mais aussi pour un film au budget si « ridicule » (55 M$). Le film est donc proportionnellement le plus gros succès de l’année, avec en prime des critiques exceptionnelles et une position de favori pour les prochains Oscars.

Assez oubliable dans le Batman de 1989, décevant voir gênant dans Suicide Squad mais absolument incroyable dans The Dark Knight, le personnage du Joker nous revient dans une nouvelle version, celle d’Arthur Fleck (Joaquin Phoenix), un homme à moitié fou à force de vivre dans la solitude et la misère avec sa mère malade. Ses seuls moments supportables dans sa terne vie sont quand il croise sa sublime voisine (Zazie Beetz) ou quand il regarde l’émission de Murray Franklin (Robert De Niro), se rêvant à devenir humoriste un jour. Suite à une mauvaise journée, il basculera un peu plus dans la folie.

J’ai mit pratiquement un mois entier à sortir cette critique tant il est difficile d’émettre un avis différent sur ce film sans se faire lyncher par une armée de fans dénués d’objectivité. Saluons tout de même le succès sans précédent du film, qui est de toute façon une excellente chose tant le film sort des carcans habituels. Par rapport aux grosses productions actuelles et passées, le film dénote clairement en terme de rythme et d’ambiance, et savoir que ce type de cinéma si différent peut à ce point parler à la masse est réconfortant pour ceux n’osant plus proposer quelque chose d’autre que la formule classique. Ne serait-ce que pour la diversité dans le paysage cinématographique, le succès du film est une chose dont même ceux qui n’ont pas apprécié le film peuvent se réjouir. D’autant que le film a beaucoup de qualités.

Outre la performance irréprochable de l’acteur principal (et des autres aussi, globalement la direction d’acteur est parfaite), bien que pas à ce point mémorable non plus, le film ose une ambiance très sombre avec une mise en scène très esthétisée. Nombre de plans sont très beaux, la photographie est soignée et le film se laisse le temps de la contemplation. De ce point de vue là, le film est une franche réussite. Reste malheureusement deux soucis de taille : le rythme et le scénario. S’étalant sur deux heures, le film est d’une mollesse difficilement supportable tant il ne se passe pas grand chose, la faute à un scénario qui ne tient pas sa promesse, à savoir raconter les origines du Joker. Maintenant que le film est sorti avec le succès qu’on lui connaît, les langues se délient et on parle d’une suite voir d’une trilogie, mais à l’origine le film devait se suffire à lui-même, et ce n’est pas le cas. À la fin du film, Arthur Fleck n’est pas devenu le Joker et reste une pauvre chose encore bien timorée. Le tueur sanguinaire et psychopathe est bien édulcoré, fébrile face à un chaos ambiant bien plus menaçant que lui. L’évolution attendue n’est pas là, le film n’est qu’une simple mise en bouche à la violence quasi inexistante. Un comble. Peu de péripéties, un seul personnage vraiment développé mais à l’évolution pratiquement inexistante. En résulte une esquisse où il ne se passe pas grand chose, et on reste sur notre faim. Alors oui, le film est très bien fait et casse pas mal de codes du genre, sans pour autant apporter une proposition forte. L’ombre du Joker du Dark Knight plane au dessus du film, et clairement il ne tient pas la comparaison.

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La Belle et le Clochard

La Belle et le Clochard
1955
Hamilton Luske, Clyde Geronimi et Wilfred Jackson

De peur de casser la magie les entourant, on hésite souvent à se revoir les films de notre jeunesse. Et pour cause : le résultat est bien souvent très en deçà de nos souvenirs. Pour ma part, les vieux Disney font parti de ceux qui ont le plus mal vieilli. Pas forcément pour le travail de l’animation, mais plus pour la nature quasi anecdotique de leurs scénarios. Néanmoins, un remake très prometteur sur le papier (avec de vrais animaux spécialement adoptés dans des refuges) vient de débarquer sur Disney+, et avant de le voir il faut bien comparer avec l’original.

Dans cette douce époque de l’âge d’or, une petite cocker prénommée Lady va s’éveiller au monde dans un paisible foyer des quartiers chics de la Nouvelle Angleterre. Ouvrant le cœur de ses maîtres comme seul un chien saurait le faire, elle deviendra instantanément l’astre illuminant leurs vies. Partageant leur lit, leurs repas, tenant compagnie à sa maîtresse et se promenant avec elle en attendant de pouvoir célébrer le retour du maître après une dure journée de labeur, son quotidien était un bonheur de chaque instant. Mais peu à peu ses maîtres vont focaliser leur attention et leur amour sur une redoutable menace : une grossesse, annonçant l’arrivée d’un bébé qui ne sera plus elle. Le début d’une lente descente aux enfers.

Certes, une fois de plus l’histoire est plus que limitée : le film dépeint deux menaces, la tante et la fourrière, et aucune des deux ne sera vraiment exploitée. De même, la romance n’aura qu’une poignée de scènes pour s’épanouir, mais il faut bien avouer que le mythique repas de spaghettis donne un sacré coup de boost à l’idylle, d’autant qu’elle donne lieu à une excellente chanson très belle. Reste que simple ne veut pas dire simpliste, et le film est particulièrement bien écrit. On sent que l’équipe de scénaristes est non seulement de grands défenseurs de la cause animale, mais qu’ils sont de surcroît de brillants analystes comportementalistes. N’importe qui ayant eu un chien dans sa vie ne pourra que constater la justesse touchante avec laquelle sont dépeints nos amours sur pattes, montrant leur fougue, leurs sentiments exacerbés et ce perpétuel besoin de reconnaissance. L’équipe d’animation a d’ailleurs fait un travail remarquable, donnant une vraie personnalité et intensité de regard pour chacun d’entre eux. On s’étonnera même de la finesse de certains plan, les décors débordant de détails lors des panoramiques. Le film véhicule de beaux messages et fait échos au plus des beaux souvenirs qui puisse nous être accordé : l’amour d’un chien.

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Stand by Me

Stand by Me
1987
Rob Reiner

À la fois grand classique du cinéma et des adaptations de romans de Stephen King, le film a assurément marqué des générations entières d’enfants durant des décennies. J’ai moi-même eu l’occasion de le voir plusieurs fois dans ma jeunesse, et l’histoire du gros ainsi que le coup des sangsues m’avaient particulièrement marqués. À l’heure où la fibre nostalgique est plus que jamais titillée avec d’excellentes séries comme Stranger Things, il était temps de revenir à la base, voir si la saveur d’antan était toujours aussi présente.

Le film se déroule durant l’été 1959, alors que quatre amis de douze ans vont décider de partir à l’aventure. L’un d’eux, Vern, va surprendre sa racaille de frère s’entretenant avec un comparse avec qui il a volé une voiture, parlant d’un cadavre qu’ils auraient aperçu au bord d’une rivière à plusieurs dizaines de kilomètres de là. Entre la promesse grisante de découvrir un cadavre, l’escapade entre potes et la possible reconnaissance que leur attribuerait la police suite à leur « découverte fortuite », l’occasion était trop belle. Les quatre amis vont donc s’inventer une nuit camping chez l’un ou chez l’autre en fonction des parents, leur permettant de partir sur le sentier de l’aventure le temps d’un week-end.

Voilà un genre malheureusement trop absent au cinéma : l’aventure. Généralement, partir à l’aventure c’est pour se prouver quelque chose, pour se découvrir soi-même, et c’est donc tout naturellement que les enfants ou adolescents sont les représentants tout désignés pour cette quête intérieur qui les touche tout particulièrement. Le dernier exemple qui m’avait le plus marqué était le très bon Tempelriddernes skat (Le secret des Templiers), premier volet d’une trilogie danoise découverte à la télévision, depuis malheureusement totalement introuvable, et je n’ai jamais pu découvrir les suites. Ayant toujours eu en moi ce gout de l’aventure, plus spirituelle par l’évasion mentale que physique il est vrai, c’est évidemment un genre que j’affectionne spécialement, mais malgré tout ça je dois avouer que le film m’a laissé assez froid. La bande sonne comme une énième itération du club des loosers, on retrouve toujours le même genre de brutes (Kiefer Sutherland), et la plupart des idées sont trop peu exploitées. Le grand frère (John Cusack) n’a pas assez de temps à l’écran pour marquer, et la petite histoire du gros était sympathique, mais pour développer correctement le côté conteur du personnage de Gordie, il aurait fallut en ajouter au moins une ou deux autres. De même, la fin n’en est pas vraiment une, comme faisant écho aux déceptions de la vie. Le film faisant un peu moins de 90 minutes, une demi-heure supplémentaire de développement aurait pu être salutaire, d’autant que le scénario manque cruellement de rebondissements. Bref, un petit film sympathique et ancré dans une époque chaleureuse qu’il fait bon de revoir, mais ça restera un peu trop superficiel malgré les prestations impeccables des jeunes acteurs.

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Fast & Furious : Hobbs & Shaw

Fast & Furious : Hobbs & Shaw
2019
David Leitch

Voici assurément l’un des plus grands drames de l’histoire des sagas : le cas de Fast & Furious. Alors que les trois premiers opus sont un concentré de fun sur fond de quête de soi, avec pour toile de fond l’univers du tuning et des courses, me procurant toujours ce même plaisir après moult visionnages, la suite m’a quelques peu refroidie malgré quelques fulgurances. À partir du quatrième volet, la saga a peu à peu effacé son univers coloré pour se concentrer sur de l’action/espionnage lambda. Un sous Mission Impossible, ayant néanmoins le mérite de ne pas se prendre trop au sérieux pour proposer des cascades invraisemblables mais cool. De fait, si j’adore le Fast Five et que je le considère comme le plus abouti, la saveur des trois premiers s’est perdue, ne se retrouvant que dans l’excellent Need for Speed, qui resta malheureusement sans suite. C’est donc avec appréhension que j’attendais ce spin-off, n’ayant définitivement plus rien à voir avec la saga d’origine. Et vu comment ce regrettable virage s’est traduit par une envolée spectaculaire au box-office, on peut définitivement oublier tout retour en arrière…

Visiblement la page méchant a été tournée pour Deckard Shaw (Jason Statham), travaillant désormais sagement pour les services secrets britanniques (ou truc du genre). Après le frère et la mère (Helen Mirren, qu’on retrouve brièvement), on découvre cette fois sa sœur (Vanessa Kirby), qui travaille aussi pour le gouvernement britannique. Elle est activement recherchée depuis qu’elle est suspectée d’avoir liquidé son équipe et dérobé un virus mortel, mais en réalité elle se l’est inoculé pour échapper à Brixton (Idris Elba), membre d’une organisation style Bilderberg qui voudrait réduire drastiquement la population mondiale pour éviter les problèmes de famine, surpopulation et trucs du genre, tout en prônant le transhumanisme. Pour lutter contre eux, Shaw va devoir faire équipe avec le gros bourru Hobbs (Dwayne Johnson) et mettre de côté leurs rancœurs passées.

À force de renier ses origines, la saga a résolument perdu son âme dans les tréfonds du blockbuster standard. Difficile de faire plus stéréotypé et banal : une organisation secrète qui veut lâcher un virus sur le monde, on connaît la rengaine depuis plus d’un demi-siècle. Le film n’arrivera jamais à innover en quoi que ce soit, à part au niveau du battage de steak. On aura rarement vu un film à ce point fini à truelle tant les ficelles sont énormes, à grand coups de coïncidences à la seconde près, écumant toutes les tares du genre, allant de la bombe sur minuterie, du rayon d’explosion au centimètre près, des fusillades miraculeuses, ou encore des méchants qui débarquent pile quand on en parle. C’est usant à souhait, et le soin apporté au montage est juste minable. On démarre une scène en pleine nuit, et en l’espace de six minutes (le temps de la minuterie) le soleil se lève et on termine en plein jour. Pire, toujours lors de la même séquence et alors qu’une minuterie est enclenchée et prouve qu’aucune ellipse supérieure à une poignée de minutes a pu être possible, on passe d’un magnifique ciel bleu à un orage terrible avec des éclairs et de la pluie à perte de vue. Avec en plus des dialogues jamais drôles et beaucoup trop longs (surtout ceux avec Ryan Reynolds et Kevin Hart), sans compter des phases d’action peu mémorables voir débiles avec les motos Transformers, on en ressort un peu dépité. Il fallait s’y attendre, mais cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un blockbuster aussi insipide et fini à la pisse.

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Pokémon Détective Pikachu

Pokémon Détective Pikachu
2019
Rob Letterman

Ah les enfoirés ! Faire un projet sérieux autour de l’univers Pokémon, c’était l’une de mes idées dans laquelle j’avais consacré plus d’une centaine d’heures pour la création d’un jeu-vidéo : Le Chemin de l’immortel. Si l’univers coloré et enfantin de la collecte de monstres continue de se vendre par palettes malgré des mécaniques antédiluviennes et de nouvelles générations explorant de plus en plus les tréfonds de l’inspiration, du côté cinéma la ferveur s’est très vite essoufflée. Seul le Japon continue de diffuser dans ses salles un film chaque été, à la qualité souvent médiocre voir minable. Dans le reste du monde, à part quelques exceptions ponctuelles, la plupart des pays se sont contentés de sorties directement dans les bacs dès le quatrième opus. Sachant que sur 21 longs-métrages seul le tout premier aurait pu amortir un tel budget, venir à la charge avec un blockbuster au budget brut de 150 M$ était donc suicidaire, mais grâce au regain de popularité suite à Pokémon GO, le film a cartonné, pulvérisant tous les records de la franchise et dépassant la barre des 400 M$ (bien qu’en réalité, une fois ajouté les frais marketing et les taxes de distribution, la marge est quasi nulle).

Sorti en 2016 sur 3DS, le jeu éponyme est donc plus ou moins repris (aucune idée, jamais eu la console ni le jeu) pour ce qui sera une enquête sur la mort du père de Tim (Justice Smith), détective de police. Solitaire travaillant dans les assurances, Tim va tomber sur Pikachu (Ryan Reynolds), le partenaire de son père, alors qu’il explorait l’appartement du défunt en vue de libérer les lieux. Lui qui ne voulait plus entendre parler de Pokémon il va se retrouver malgré lui prit au milieu d’un complot sur une drogue rendant sauvages et agressifs les Pokémon.

Le concept du film est juste fou et n’a aucun sens. On suit un jeune homme froid et chiant qui fait équipe avec Deadpool. Clairement la patte de l’anti-héros se sent de bout en bout : on retrouve les mêmes blagues de culs, humour scatophile et compagnie. Oui oui, dans Pokémon, une licence qui s’adresse avant tout aux enfants, et c’est à mon avis la seule raison pour laquelle le film n’est pas classé R aux Etats-Unis entre le sang et les innombrables allusions sexuelles. Seulement ce qui marche dans un cas ne marche pas dans d’autres, et ce style d’humour passe plutôt mal ici. Côté scénario l’enquête est assez poussive et les rebondissements trop rocambolesques, mais heureusement que les acteurs sont bons. Le chef inspecteur (Ken Watanabe) fait un bon duo décalé très premier degré avec Snubble ; la journaliste (Kathryn Newton) est tout à fait charmante et Bill Nighy a de toute façon une classe monumentale quoi qu’il fasse. Petite surprise dans le casting : Rita Ora, qui en plus de composer une chanson pour la BO prête aussi ses traits à une scientifique. Pas un rôle suffisamment important pour briller ou se rendre ridicule, mais on s’étonnera de sa présence. L’histoire est donc assez faible, quelque peu rattrapée par de bons personnages.

Reste alors un point qui en inquiétait plus d’un : les effets spéciaux. Repéré sur internet pour ses dessins style réaliste de Pokémon, l’artiste en charge d’imaginer une version plus réaliste des Pokémon dans le film a fait un travail plutôt bon, mais si la réalisation et les jeux de lumière sont très bons, la modélisation pose soucis. On a dû mal à y croire une seule seconde, il semble manquer de la consistance aux créatures, qui malgré des interactions et incrustations qui forcent le respect, semblent clairement artificielles et ajoutées numériquement. On est loin de certains animaux photos-réalistes qu’on a pu voir dans des films comme L’Odyssée de Pi, ici l’illusion ne prend pas. On se laisse parfois impressionner comme lors du déplacement de montagnes, mais ça reste de la pure exposition qui ne sert à aucun moment l’histoire. Sans non plus passer un mauvais moment, légèrement investi par les personnages, intrigué par le concept même d’une version live et parfois amusé par les blagues salaces de Deadpool-Pikachu, le film déçoit un peu et la fin nous assure qu’aucune suite ne pourra jamais essayer d’étoffer l’univers.

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Shutter Island

Shutter Island
2010
Martin Scorsese

Vu il y a presque dix ans maintenant lors de sa sortie en salle, le film n’était jusqu’alors pas passé par la critique, le site ayant été mis en ligne à la fin de son année de sortie. Deuxième plus gros succès de l’histoire du réalisateur Martin Scorsese (troisième en terme d’entrées), le film avait fait grand bruit à l’époque, mais pas de récompenses à la clef, la faute à des tensions entre la réalisateur et le studio, qui reporta le film pour l’écarter de la course aux Oscars.

Le film se déroule dans les années 50 alors que Edward Daniels (Leonardo DiCaprio), ex soldat durant la Seconde Guerre Mondiale devenu Marshall, va se voir attribuer une affaire de disparition : celle de Rachel Solando (Emily Mortimer), patiente très dangereuse de l’asile de Shutter Island. Il sera épaulé par un autre Marshall pour mener l’enquête, Chuck Aule (Mark Ruffalo).

Le film fait-il parti de ceux dont connaître la fin rend un second visionnage moins intéressant ? Assurément pas, les indices disséminés sont trop gros, et on aura tôt fait de comprendre de quoi il retourne, à quelques nuances près. C’est assurément le point le plus dommageable du film tant cela pèse sur les enjeux, car très vite on s’intéressera plus à comprendre les messages cachés qu’à réellement suivre l’enquête sur la conspiration. C’est d’autant plus regrettable que le film met en parallèle les horribles expériences menées par les nazis durant la guerre avec celles des autres pays, faisant comprendre que le mal ronge n’importe qui et n’importe où. Mais finalement l’histoire n’est pas si importante, le film étant surtout une ambiance, une atmosphère pesante avec un cadre cauchemardesque d’une île secrète abritant un asile expérimental intriguant, le tout durant une terrible tempête quasi apocalyptique. La photo est magnifique, les décors angoissants, et mieux encore, le casting est juste fou, avec en prime Ben Kingsley, Michelle Williams, Jackie Earle Haley et Max von Sydow. Plus encore, j’ai découvert que le thème incroyable – et le mot est faible – de Premier Contact avait été composé pour ce film, mais très loin de s’en servir à son plein potentiel, tout juste le distingue t-on en fond à deux petites reprises. Reste un dernier bon point sur le scénario : le film se distingue du livre dont il est l’adaptation en se refusant à la frustration d’une fin ouverte, tranchant avec une rare finesse et un jeu d’acteur bluffant. Le film est donc très bon, mais pour ma part le scénario est peu trop évident pour crier au génie ou s’enthousiasmer outre mesure.

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Honoré de Marseille

Honoré de Marseille
1956
Maurice Regamey

Les blagues les plus courtes sont les meilleures, mais avec une durée n’atteignant même pas les 80 minutes, le film était déjà trop long tant il n’a rien à raconter. Imaginez Fernandel faire du Fernandel dans un rôle sur-mesure où il campe Honoré, un marseillais dans toute sa splendeur : fainéant, menteur, d’une mauvaise fois incommensurable, taquin comme pas deux et avec un sens de l’exagération indescriptible tant il explose tous les compteurs. Sur le papier, le film avait donc tout d’une excellente comédie de la grande époque avec l’un des meilleurs acteurs de tous les temps crevant l’écran comme pas deux. Seulement voilà, même avec toute la meilleure volonté du monde, on ne change pas l’eau en vin, et cette volonté n’y était même pas.

Dès la première scène, l’odeur du pétard mouillé se fait sentir : on part sur de la comédie musicale pas vraiment inspirée, et une fois finie la première chanson on ne saurait dire de quoi il retourne. Vient alors une bonne idée d’axe, celle du journaliste. Il semblerait que le personnage d’Honoré soit si monumental et respecté dans tout Marseille qu’un journaliste est prêt à tout pour obtenir l’histoire du grand homme. Il se fait désirer, se pavane, réinvente l’Histoire avec un grand H en se posant comme un dieu vivant qui a inventé tout ce que le monde compte de meilleur. Alors oui, c’est en sur-jeu constant, le personnage est caricatural à outrance et les chansons sont d’une redondance à peine croyable, mais l’idée est amusante. Une première demi-heure aguicheuse, quasi putassière, mais malgré d’évidentes faiblesses d’écriture et des acteurs en roue libre, ça passe. Puis plus rien, l’histoire du journaliste est laissée pour compte, suivant le fameux Honoré dans un quotidien banal où mensonges, mauvaise fois et arrogance pulvérisent tout sur son passage, à la limite de l’antipathique. Tout n’est qu’enchaînement de gags peu inspirés, sans aucun lien scénaristique, et après avoir épuisé tous les pires clichés possibles, le film se contente de balancer son générique de fin au beau milieu de rien du tout. Un développement affligeant où les maigres idées n’ont pas su faire tenir le film debout. Un beau gâchis qui ennuiera et fera même de la peine aux inconditionnels de l’acteur.

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