Le Chant du Loup

Le Chant du Loup
2019
Antonin Baudry

Parmi les plus grands succès d’estime de l’année en France, Le Chant du Loup y occupe une très belle place. Spécialement encensé par les spectateurs, le film est un blockbuster à la française, proposant un sous-genre de film de guerre, le film de sous-marin, le tout avec un casting cinq étoiles. Néanmoins ça ne fut pas suffisant pour connaître le succès escompté puisque qu’avec un million et demi d’entrées, le film n’a pas été rentable.

Qu’est-ce que le chant du loup ? Dans le milieu des marins embarqués dans un sous-marin, c’est le plus haut danger possible : l’écho radar d’un sous-marin ennemi ayant repéré votre position. Lors d’une mission d’exfiltration, l’oreille d’or Chanteraide (François Civil) du Tempête va justement entendre ce terrifiant son. Seulement voilà, alors que de vives tensions sont en cours avec les russes, il va se rendre compte que le signal reçu correspond en tous points avec celui du Léviathan, sous-marin russe mis or service depuis longtemps.

Dans un paysage cinématographique français composé quasi exclusivement de comédies, drames sociaux et polars, voir un ambitieux projet de guerre est en soin un effort à saluer. Sans non plus afficher un budget rivalisant avec les studio d’outre-Atlantique, une chose est sûre : le film a de la gueule. Les décors semblent réels, et les plans aquatiques sont crédibles. Avec en plus un grand soin apporté au son, techniquement le film est donc très solide. De quoi partir sur d’excellentes bases quand on y rajoute en plus le casting étourdissant, comprenant Omar Sy, Mathieu Kassovitz, Reda Kateb (toujours aussi mauvais d’ailleurs, insupportable) et Paula Beer. Malheureusement, le film possède un défaut de taille : son scénario. En plus de se dérouler dans un futur d’anticipation peu crédible où la France est au bord de la guerre contre la Russie (pourquoi pas une guerre entre la Belgique et les Etats-Unis… ), on devra aussi faire avec une histoire débile au possible où la connerie humaine bat des records. Les rebondissements sont ponctués par des coïncidences invraisemblables, et globalement, après avoir prit le recul nécessaire, l’histoire ne fonctionne pas tant les stratégies et manigances de chacun n’étaient pas viables. Reste donc une belle démonstration des capacités de notre pays à produire un film d’envergure, dommage que l’histoire soit si fragile.

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Rambo Last Blood

Rambo Last Blood
2019
Adrian Grunberg

Rambo, une des grandes sagas mythiques qui a fait la gloire de son interprète. Si les deux premiers ont été d’énormes succès, le troisième et quatrième ont marqué un rapide déclin, alors même que ce qu’on croyait jusqu’alors être l’ultime volet était une purge d’action et de violence complètement jouissive. Finalement, après plus d’une décennie de rumeurs, annonces et spéculations, point de reboot ou de passation, le patron revient dans la place. Néanmoins, à plus de 70 ans n’est-on pas trop vieux pour ces conneries ?

Après avoir été embarqué malgré lui dans de nombreuses guerres, John Rambo (Sylvester Stallone) va cette fois affronter une menace d’un autre genre : la pègre mexicaine. Depuis plus de dix ans, il a recueilli une jeune fille et sa grand-mère, vivant jusqu’alors tranquillement dans son ranch. Mais un beau jour, la jeune Gabrielle va partir à la recherche de son père l’ayant abandonné quand elle était petite. Seulement elle ne rentrera pas, obligeant John à partir à sa recherche.

Ces mots sont durs à écrire, surtout pour une saga qui avait toute mon affection : on tient là l’une des plus grosses daubes de l’histoire du cinéma. Après une introduction complètement inutile au récit pour dire que Rambo est resté un bon samaritain mais subitement souffrant du syndrome post-guerre du Vietnam avec plus de 30 ans de retard alors qu’en fait il n’aura aucun symptôme de tout le film, on découvre ensuite la famille d’adoption avec une grand-mère inexistante et une fille bête à se faire manger par du foin. « Alors surtout ne fait pas ça ». La scène suivante, elle le fait. Largement majeure, elle adopte pourtant un comportement d’une naïveté et d’un esprit de rébellion digne d’une ado de douze ans, nous exaspérant au plus haut point et rendant mérité tout ce qui lui arrivera par la suite. Tout s’enchaîne dans le film sans aucune forme de cohérence ou de subtilité, éculant tous les pires clichés imaginables. Une atrocité d’écriture qu’on retrouve dans les dialogues, d’une rare platitude avec un combo d’une bonne centaine de « choses » pour ce cadavre en état de mort cérébrale censé être Rambo. Référence en matière d’action, la saga est ici amorphe, nous assommant de discutions sur la famille pendant demi-heure, puis nous faisant languir une autre demi-heure avant un quelconque soubresaut à l’intrigue. Le dernier quart d’heure est plus dans la droite lignée du festival de massacre habituel, mais tous les enjeux ont déjà été balayés et le film n’a alors plus aucun sens. C’est mou, affligeant en terme d’écriture, et même la réalisation est un supplice. Nombre de séquences sont illisibles, les mouvements sont frénétiques pour rien, les transitions sont hachées et on subira une quantité folle de zooms immondes. Même dire que la réalisation est du niveau d’un téléfilm serait une insulte pour ces derniers. Une bouse à peine croyable, faite par une équipe de bras cassés qui ont réussi à rater absolu tout, sans pour autant que cela en devienne drôle. Triste déchéance…

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Le Mystère Henri Pick

Le Mystère Henri Pick
2019
Rémi Bezançon

Habituellement, quand on parle d’enquête on pense à des films policiers sur de la mafia, des voyous ou des ripoux. Il y a aussi les thriller orientés action, mais un genre a été délaissé : les vraies enquêtes à l’ancienne, comme Le Crime de l’Orient Express. Juste un enquêteur interrogeant les gens, cherchant à faire la lumière sur un point précis, habituellement un meurtre. Un scénario sous forme de puzzle à l’assemblage si jouissif. Encore plus rare dans un contexte contemporain, le film avait donc de quoi susciter toute notre curiosité.

Un bouseux de la campagne sans la moindre culture peut-il pondre un chef d’œuvre littéraire ? Présentateur télé d’une émission de critique littéraire, Jean-Michel Rouche (Fabrice Luchini) aura pour sa part du mal à y croire. Daphné (Alice Isaaz), une petite chargée de publication d’un maison d’édition, en entendant parler d’une bibliothèque recueillant tous les romans jamais publiés, y a déniché une romance formidable signée Henri Pick, un pizzaïolo qui n’a apparemment jamais ouvert un livre de sa vie, laissant après sa mort une œuvre majeure. Persuadé qu’il ne peut en être l’écrivain, Rouche va alors mener son enquête pour en découvrir le vrai auteur, entraînant avec lui la fille d’Henri Pick (Camille Cottin), cherchant quant à elle de lui prouver qu’il a tort.

Un phénomène me fascine : le cas Fabrice Luchini. Cela fait maintenant quelques années que je trouve que c’est l’un des tous meilleurs acteurs de l’histoire, alors même qu’avant je ne le supportais pas. Alors premièrement non, il n’est pas spécialement bon acteur puisqu’il campe toujours le même genre de personnage et qu’il est pareil dans la vraie vie, donc c’est plus une question de charisme. Ensuite, il est évident que le temps l’a bonifié : il a perdu cette exubérance et cette arrogance des jeunes premiers, devenant à force un homme d’expérience sage et devenu humble, sans fausseté. De fait, quel que soit le film, sa présence dégage une aura de sympathie, mais le film a eu l’idée, le tour de force majeur : lui opposer Camille Cottin, qui, entre la série et son film Connasse qui a étonnement su émouvoir, puis l’excellente série Dix pour cent, a su elle aussi se faire une place dans nos cœurs. Le duo marche parfaitement, tout semble d’une incroyable légèreté, et puis surtout le scénario est juste excellent. Chaque personnage vers qui mènera l’enquête est passionnant, toutes les histoires s’imbriquent, amènent à la fois nulle part et partout dans un puzzle qui semble constamment si évident, alors qu’il ne l’est jamais. Notre esprit foisonne, cherche, jubile de chaque élément trouvé. Une construction digne des plus grands pour un modeste film, ne cherchant qu’à nous offrir une petite dose d’aventure.

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La Favorite

La Favorite
2019
Yórgos Lánthimos

Grand favoris des derniers Oscars sorti un peu tard en France, le film avait tout pour me plaire : un casting alléchant, le genre d’époque que j’affectionne tout particulièrement, et un style un peu décalé avec le réalisateur du surprenant et génial The Lobster. Nominé dans quasiment toutes les catégories, le film n’a eu que la récompense pour son actrice « principale » (techniquement je trouve qu’Abigail est largement plus l’héroïne du film que la reine), mais il n’empêche que la curiosité était là.

Prenant quelques libertés avec l’histoire, le film nous place au début du XVIII° siècle alors que l’Angleterre et la France sont en guerre. Chez les britannique la situation est critique, le pays est genou, la famine fait rage et les taxes pour financer la guerre divisent un pays à l’agonie. Fille d’un noble ayant tout perdu et qui a fini par se tuer, Abigail (Emma Stone) va alors mendier un travail auprès de sa cousine Lady Sarah (Rachel Weisz), qui se trouve être la Favorite de la reine Anne (Olivia Colman). De nature battante, Abigail va tout faire pour retrouver sa noblesse d’antan en s’attirant les faveur de la reine.

Ne tournons pas autour du pot : je suis tombé de haut. Persuadé de voir à minima un très bon film, j’ai dû reconnaître quasi d’emblée que ce film n’a aucun sens sur strictement aucun point. Historiquement, le comportement des femmes est une aberration entre un grand libertinage et un pouvoir décisionnaire total. Les hommes sont des lavettes, les femmes des battantes qui décident de tout. Au XVIII° siècle, mais bien sûr… On passera aussi sur le langage achronique et les danses improbables, c’est à tel point que voir un personnage passer en regard caméra et sortir son téléphone portable serait moins choquant. D’un point de vue technique, le film est aussi un non sens total : on dirait que tout a été tourné à la go pro, avec de très grands angles en intérieur, ce qui donne à l’image des bords déformés. Le ratio extrêmement haut est aussi peu digeste, et on se croirait devant Barry Lyndon tellement tout est sous-exposé à outrance, avec un grésillement ignoble dans les sombres, comme si là aussi tout était éclairé à la bougie. Ça pourrait créer un décalage comique énorme pour peu que le film soit parodique ou fantastique, mais il est fatalement premier degré. On sourit de quelques tours machiavéliques, de joutes verbales inspirées, et effectivement les actrices sont talentueuses (incluant Nicholas Hoult, assurément la plus féminine du lot en terme de personnalité), mais ça ne marche pas. La bataille pour devenir la Favorite numéro une n’a pas vraiment lieu, l’histoire est fade au possible et le film est interminable, et pourtant non terminé. Durant la dernière partie, l’histoire est figée, rien ne se passe, on attend agacé que la situation évolue, mais non. Et soudain paf, écran de fin, sans sentiment d’accomplissement pour quiconque. Rien n’a servi à rien, tout semble dégradé. Du nihilisme abrutissant et ennuyeux au possible.

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Captive State

Captive State
2019
Rupert Wyatt

Rattrapant à une allure d’escargot les films de l’année pour sortir à la bourre mon top et flop annuel, j’étais passé à côté de ce film qui pourtant m’intriguait beaucoup avant sa sortie : de la SF, le genre qui compte le plus de chef d’œuvre à mes yeux, un thème de l’invasion alien souvent gageure, et à la barre un réalisateur qui a fait ses preuves. Et pourtant, à sa sortie ce fut la catastrophe absolue : une presse très tiède, des spectateurs encore plus froids, et un naufrage au box-office avec moins de 9 M$ au niveau mondial. Véritable déception ou incompréhension ? Eh bien quand un thriller de réflexion est vendu comme un film d’action, il est évident que la différence de public peut s’avérer fatale.

Film d’anticipation se déroulant dans un futur proche, on nous plonge en plein dans une invasion extraterrestre totale. Face à une supériorité militaire supposée, la Terre a négocié une législation, c’est-à-dire qu’en échange d’une non-extermination et d’une paix précaire, les clés de notre planète seront confiées à la race alien appelée de fait « les législateurs ». Dix ans plus tard, les gens sont désormais confinés, leurs déplacements sont contrôlés, leurs travaux spécifiques et chaque humain a subit un implant pour une surveillance totale. Le monde est plus terne que jamais et la pauvreté grandissante. Une rébellion va alors tenter de germer : le Phoenix.

Des humains avec des implants, captifs d’une race extraterrestre dans un monde ravagé où seuls ceux qui collaborent avec eux peuvent s’en sortir. Si ce scénario vous dit quelque chose, c’est normal : il s’agit strictement du même que Transformers 3, à ceci près que la situation est moins critique ici et qu’il ne semble pas y avoir de plan pour transformer sept milliards d’habitants en esclaves. Avec un budget cinq à six fois moindre et de par son parti prit pas du tout porté sur l’action, beaucoup ont donc été déçus, et ça peut se comprendre selon ce que l’on recherche. Néanmoins ce film a d’autres arguments de poids, à savoir son ambiance et son écriture. Point d’humour un peu bof ici, l’ambiance est plus proche d’un film de guerre au sens le plus sombre, au plus proche de la misère humaine et du désespoir. Le sound design est excellent, la mise en scène est oppressante et les personnages sont charismatiques. On y croise des têtes connues comme John Goodman et Vera Farmiga, James Ransone y a une classe folle, et le tout porté par l’adolescent de Moonlight, Ashton Sanders. L’aspect des aliens n’est pas terrible et se borne à proposer un aspect humanoïde, mais on a vu pire. On suit donc des personnes qui tentent de s’en sortir, des qui pensent que collaborer est une nécessité, et d’autres qui au contraire pensent que si les choses perdurent dans ce sens, l’humanité pourrait bientôt s’éteindre. Le film regorge d’idées sur les technologies aliens et les évolutions que le monde a pu connaître, pas forcément super originales mais remodelées à sa sauce. En plus d’un scénario très solide dont les incohérences et étrangetés trouvent leur écho dans un final mûrement réfléchi, le film propose une réflexion sur notre société, l’uniformisation de masse prête à tous les sacrifices pour survivre, la perte de repères, le besoin de se sentir vivant, important. On sent tout de même que le film n’a pas eu les moyens de toutes ses ambitions et globalement c’est plutôt du déjà vu, mais ça reste un genre trop rare et cette itération est extrêmement solide.

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Dragons 3 : Le monde caché

Dragons 3 : Le monde caché
2019
Dean DeBlois

Trois ans avant la série Vikings qui a fait des mythes nordiques le nouveau thème à la mode, et quatre ans avant que Oultander n’achève de faire prendre conscience que les musiques écossaises sont une tuerie, une petite pépite de l’animation a mélangé ces deux viviers avec une créature magique, source de tous les fantasmes et qui lui a donné son nom : Dragons. Quatre ans plus tard, Dragons 2 prolongea l’aventure avec brio, proposant des moments sacrément épiques. Alors que la conclusion de la trilogie devait sortir en 2016, la production de diverses séries annexes, des résultats au box-office solides mais pas transcendants et des soucis de distribution (chacun des trois films fut distribué par un studio différent), il aura finalement fallut attendre cinq ans pour enfin voir débarquer l’ultime chapitre de cette histoire.

Le récit se place quelques années après que Harold soit devenu le nouveau roi de Burk, et les problèmes s’enchaînent. Loin d’être le paradis espéré, leur île devient une zone de convoitise pour leurs dragons, les chasseurs se multiplient et les ennemis deviennent de plus en plus dangereux. Face à une coalition massive, la situation semble désespérée. Harold va alors prendre la décision d’évacuer tout le village et de partir à la recherche du monde caché où les dragons pourraient vivre paisibles.

Métaphore du passage à l’âge adulte, cette saga poursuit sa logique. Après avoir affronté ses peurs et essayé de vivre ses rêves, Harold doit maintenant apprendre à vivre sans et accepter certaines fatalités. L’ennemi à affronter est assez charismatique, mais au final on ne saura pratiquement rien de lui, et il ne marquera pas autant que les dragons géants des précédents opus. Autant le premier était la découverte et le second le souffle épique de l’aventure, cette fois il n’y aura pas cette même fougue, le film rattrapant le train de la réalité pour conclure l’arc de façon crédible, presque historique. Il ne pouvait en être autrement vu les partis pris, tout en conservant cette aura si particulière de désir d’évasion, ponctuée par des musiques sublimes. Le monde caché et la découverte du Furie éclair permettent de maintenir le rêve, et quelques idées critiques sur la superficialité sont amusantes, comme par exemple Rustik, plus grand et costaud des jeunes, est devenu à force le plus petit, ou encore la quête de virilité passant par la pilosité faciale. Malgré une nouvelle baisse de budget, le film est toujours aussi beau et enchanteur, arrivant à trouver de nouvelles façons de nous éblouir. Si globalement le renouvellement est limité et que l’histoire aurait mérité plus d’envergure, on peut se satisfaire d’une qualité toujours aussi grande. Certaines saga s’effilent et ne font que trop durer. Ici, tout en laissant la porte ouverte aux rêves, l’histoire est achevée et on part sans regrets.

Bon et maintenant oubliez tout ce que je viens de dire. Il y a quelques semaines est sorti un court-métrage de l’univers à l’occasion de Noël. Si les séries dérivées et la plupart des courts issus de la saga étaient oubliables, quelque uns étaient très bons, et Homecoming en fait partie. Racontant comment tragiquement les nouvelles générations ne croient pas en l’existence des dragons, Harold décide de mettre en place, pour ses enfants et ceux qui ont oublié, un spectacle en mémoire à cette amitié homme-animal. Aussi touchant qu’émouvant, on découvre la tristesse d’un monde sans dragons, et jusqu’à la fin la frustration domine. Outre les absences de la mère et de Rustik parmi les principaux, de voir la séparation des mondes est un crève-cœur. Seulement un détail pourtant logique nous échappe : l’intrigue se situe juste avant la toute dernière scène du troisième opus. Un hourra se fera alors ressentir, changeant même notre vision fataliste de ladite scène, faisant dire que d’autres suites restent possibles, voir souhaitable tant cet univers est un enchantement perpétuel.

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Gemini Man

Gemini Man
2019
Ang Lee

Après l’un des plus gros succès de l’année, place à l’un des plus gros échecs. Doté d’un budget assez massif de 138 M$, le film n’en a rapporté que 174 M$, soit en prenant en compte les taxes de 50% à domicile, 66% à l’étranger dont 75% sur la Chine, on arrive à des recettes réelles de 62 M$, soit une perte brute de 76 M$. On est loin du naufrage historique du quart de milliard de déficit de Dark Phoenix, mais ça reste dans le top 3 de l’année des pires catastrophes industrielles derrière le dernier Terminator. Pourtant, le film était réalisé par un grand réalisateur reconnu, avec une double tête d’affiche de prestige, et le scénario date d’il y a plus de vingt ans, de quoi avoir mûri au fil des décennies.

Il y a des métiers où prendre sa retraire est salvateur, sauf quand les choses dérapent. Tireur d’élite pour l’armée américaine, Henry (Will Smith) pensait enfin pouvoir couler des jours paisibles en rangeant son fusil, mais c’était sans compter sur Clay Verris (Clive Owen), préparant en secret une nouvelle génération de soldats et comptant bien éliminer tout risque potentiel.

Par où commencer ? Puisque le film se vendait comme une démonstration technique, attaquons par le visuel et les « prouesses ». Alors oui, spoiler qui n’en est pas un, la nouvelle génération de soldats serait des clones, et on aura le droit à une version jeune de Will Smith. On y ira pas par quatre chemin : si certains plans passent à peu près et arrivent à créer l’illusion, globalement le résultat est catastrophique, oscillant entre des scènes dans la vallée dérangeante et des plans carrément pas fini où on se croirait devant une animation foireuse digne des Sims. C’est dire… Techniquement le film avait un autre argument : l’ultra HD haute framerate. Autrement dit du 4K, presque classique de nos jours, proposé dans une version en 120 images seconde, sachant que le cinéma est habituellement en 24 images seconde. En résulte la quasi disparition des flous de mouvement, qu’on peut pourtant observer dans la vraie vie, rendant l’image incroyablement lisse et numérique, et donc peu réaliste et souvent laide. Les séquences d’action on donc un effet accéléré surnaturel, détruisant toute forme d’immersion. Et comme la 3D oblige à faire des panoramas et pas mal de plans fixes ou en travelling, la réalisation est donc terne, fade, banale.

Reste alors le scénario, assurément le point le plus problématique du film. Le 120 fps n’est pas si dommageable, et alors même que Captain Marvel arrivait très bien à gérer le rajeunissement, la débâcle du double n’est même pas si alarmante ici, on arrive à passer outre, bien que cela nous sorte régulièrement. On passera aussi sur les scènes d’action sans la moindre imagination, ça reste du divertissement lambda pas si mauvais. Non, vraiment le problème est ici l’histoire, tout simplement affligeante. Le méchant n’a aucune conviction, les gentils ne sont que des faire-valoir venant cocher la case de la femme forte mais pas trop et surtout bonasse (Mary Elizabeth Winstead) et du pote asiatique (Benedict Wong). Même en cherchant, il n’y a rien sur lui mise à part le fait qu’il sache piloter. Le coup du clone est d’un commun ennuyeux, le prétexte de son existante dénote d’une absence totale d’imagination, et surtout on a l’impression d’être dans un des ces sempiternels film d’espionnage au scénario stéréotypé. Le degré zéro de l’écriture, au profit d’un Will Smith christique tirant toute la couverture pour flatter un ego hors du commun. Il n’est pas une fois, ni même deux voir trois, mais bien quatre fois présent sur l’affiche, avec en prime un double affichage de son nom. Voilà qui résume tout le vide de ce film, s’articulant autour d’un concept éculé et franchement pas inspiré. De l’esbroufe mégalomane qui ne parvient pas un instant à camoufler un film d’action complètement lambda et bancal.

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Downton Abbey

Downton Abbey
2019
Michael Engler

Dire que j’aime la série Downton Abbey serait un doux euphémisme tant, surtout pour ses premières saisons, elle se hisse pour moi parmi les meilleures de tous les temps, à minima dans le top 5. L’idée d’un film faisant suite à la série était attendu dans la mesure où d’une part, si la série proposait une conclusion satisfaisante à la plupart de ses intrigues, le temps y restait suspendu. C’était d’ailleurs la force de la série : fasciner en montrant le quotidien d’antan, il est vrai riche en rebondissements et événements tragiques. D’autre part, de même que chaque saison se concluaient quelques mois après par un épisode spécial durant les fêtes, la possibilité de se replonger dans cet univers à l’occasion avait été évoqué avant même la fin de la série. La question de savoir si un film allait voir le jour ne se posait alors pas, il s’agissait juste d’attendre. Et nous voilà quatre ans après la fin de cette incroyable série, qui a certes connu quelques difficultés à se renouveler au fil des ans, mais qui a su conserver cette classe incommensurable, cette plume si aiguisée servie par des acteurs pour la plupart mémorables ayant raflé quantité de prix au cours des cérémonies durant les années de diffusion. Alors que beaucoup avaient tourné la page, la voilà qui se rouvre, espérant nous faire vibrer comme d’antan.

Nous revoilà à Downton où rien n’a changé. Robert Crawley (Hugh Bonneville) et sa femme Cora (Elizabeth McGovern) continuent de jouir de leur cadre de vie exceptionnel pendant que leur fille Mary (Michelle Dockery) gère le domaine. Son mari (Matthew Goode) et Tom (Allen Leech) s’occupent toujours du garage en ville, et Edith (Laura Carmichael) découvre les turpitudes de la vie de duchesse, ayant délaissé son journal pour son mari (Harry Hadden-Paton). Du côté des employés, Thomas Barrow (Rob James-Collier) a donc remplacé un Carson (Jim Carter) à la retraite bien méritée. Sa femme Elsie Hughes (Phyllis Logan) continue de gérer l’intendance, Bates (Brendan Coyle), Anna (Joanne Froggatt) et Baxter (Raquel Cassidy) sont toujours valets de chambre, Patmore (Lesley Nicol) et Daisy (Sophie McShera) s’occupent de la cuisine, cette dernière s’étant d’ailleurs fiancée avec le valet de pied Andy (Michael Fox). Le quotidien de Downton se verra ici bouleversé par une arrivée des plus inattendues : le roi et la reine d’Angleterre, en visite dans le Yorkshire. Désormais instituteur, à l’idée de pouvoir servir les plus hauts dignitaires du pays, Molesley (Kevin Doyle) reviendra enfiler son costume de valet de pieds, tandis que Lady Grantham (Maggie Smith), comptant sur le soutien d’Isabelle (Penelope Wilton) – mariée à Lord Merton (Douglas Reith) -, va profiter de la visite de sa nièce Maud (Imelda Staunton) pour lui faire retrouver la raison sur son héritage sans héritier, espérant lui faire coucher sur testament son cousin Robert.

Quand chaque épisode de 50 minutes arrivait à faire exister autant de personnages, on n’avait que peu d’inquiétudes de voir tout le monde revenir et réussir à tirer son épingle du jeu, mais il fait bon de voir rapidement tout le monde revenir plus en forme que jamais. Il y avait pourtant des inquiétudes tant scénaristiques qu’humaines, l’actrice campant la comtesse douairière ayant largement passé la barre des 80 ans, et ayant aussi eu des problèmes de santé, sa présence n’était pas assurée. De même, il semblait que le pauvre et loyal Carson allait tristement finir, rongé par Parkinson, mais il n’en est rien. La première est bien là, et le second reviendra à la charge, comme miraculeusement guéri et plus en forme que jamais, sans pour autant mettre en danger la nouvelle place de Barrow, personnage si fragile à qui la vie n’a fait aucun cadeau, ayant malgré tout réussi à trouver sa place en laissant tomber le masque. Assurément l’un des meilleurs protagonistes de la série, et si on tremble encore pour lui, on ne peut qu’être réconforter de voir le traitement de son personnage. Bien sûr, tout le monde n’aura pas un développement à la hauteur de ce qu’une saison de plusieurs épisodes pouvait permettre, mais à quelques exceptions près, en excluant le fait que la visite royale est assez prétexte et que globalement l’histoire n’est pas à la hauteur des plus grands moments de la série, on ne peut que saluer le travail accompli. On s’étonne de voir une énième nouvelle romance pour Tom, alors que cela semblait bien parti avec la rédactrice du journal lors du final de la série, mais soit. Un seul regret est à déplorer : la non présence de la cousine Rose, cette boule d’énergie si pétillante qui avait su apporter de la fraîcheur quand la série commençait à être en perte de vitesse.

Assurément, le film n’est pas fait pour ceux n’ayant pas suivi la série. La quantité folle de personnages perdrait n’importe qui, et sans l’affecte de base, pas mal d’intrigues ne passionneraient pas. Il s’agit clairement d’un prolongement de la série, plus utile qu’il n’y paraît d’ailleurs, puisqu’achevant de conclure dignement les arcs narratifs de chaque protagonistes, certains ayant été trop laissé en suspend. On pense notamment à Molesley avec Baxter, Andy et Daisy, mais pas de père de William au programme pour madame Patmore. En parlant d’écriture, le film est un régal absolu en terme de dialogues, enchaînant une quantité folle de répliques mémorables, de piques cinglantes et de jeux d’esprit fabuleux. Chaque acteur et actrice est dans une forme prodigieuse, et on ne peut que s’offusquer de ne pas voir l’inénarrable Maggie Smith nominée aux Oscars tant sa répartie est plus jouissive que jamais. Certes, elle a déjà obtenu plusieurs Oscars et a été sacrée à de nombreuses reprises pour ce même rôle, mais on ne dira jamais assez merci et bravo. J’irais même plus en disant que Rob James-Collier aurait aussi dû être à minima cité en tant que meilleur acteur, d’autant que lui n’a jamais eu la reconnaissance qu’il méritait. Le verdict en salle fut sans appel : le film a été de très loin le plus gros succès de tous les temps pour son petit studio, glanant près de 200 M$ dans le monde pour un budget ridicule de 13 M$, ce qui en fait proportionnellement le troisième film le plus rentable de l’année 2019. Acclamé par les fans dont l’amour ne désempli pas, le film ne marquera donc pas le point final de cette aventure, le créateur de la série Julian Fellowes, officiant toujours comme scénariste, y voyant là l’occasion de raconter de nouvelles histoires plus ambitieuses. Cet univers, regorgeant de valeurs positives et d’un bonheur de simplicité si incongru de nos jours, ne peut que charmer dans ce monde en perdissions, et il est si bon de s’y replonger.

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1917

1917
2020
Sam Mendes

Pratiquement inconnu à deux semaines de sa sortie, le film a créé la surprise en raflant deux prix majeurs aux Golden Globes : meilleur film et meilleur réalisateur. Depuis, le film s’est vu nominé aux Oscars dans toutes les plus prestigieuses catégories et est déjà promu à un bel avenir au box-office, ayant déjà franchi la barre des 100 M$, ce qui est déjà énorme pour un film de guerre. Il pourrait atteindre la barre des 300 M$, même en repartant bredouille de la grande cérémonie, faisant de lui l’un des plus gros succès de tous les temps pour le genre. Encensé par les critiques, le film mettait en avant un argument de poids : un film de guerre en plan séquence. Était-ce le seul argument ? Cela suffit-il pour en faire un chef d’œuvre ? Verdict.

Le film nous replonge en 1917, en pleine Première Guerre Mondiale au sein d’une garnison britannique. On y suivra les premières classes Blake (Dean-Charles Chapman, alias Tomen de Game of Thrones, que je n’avais pas reconnu tellement il est bouffie) et Shofield (George MacKay), qui vont se voir confier une mission de la plus haute importance. En effet, près de deux mille hommes doivent donner aux aurores un assaut contre les forces bolcheviques, persuadés que l’ennemi est faible et se replie, alors même que d’après leurs éclaireurs il s’agit d’un piège où l’ennemi y a regroupé toutes ses forces. Visiblement aucun moyen de communication ne leur permettrait de les contacter, et de fait Blake et Shofield vont devoir traverser 13 km de no man’s land pour sauver des centaines de soldats.

Histoire vraie ? Aucune importance, on aura rarement vu une histoire aussi dispensable. On ne parle pas d’un acte héroïque qui changerait la donne ou d’un choix stratégique qui amènera à la fin de la guerre, juste d’annuler, voir à peine reporter une attaque, sauvant à peine plus de mille homme, sans savoir s’ils n’iront de toute façon pas au casse-pipe le lendemain. D’un point de vue militaire, dans un événement aussi important qu’une guerre mondiale, il est difficile de concevoir qu’une histoire aussi anecdotique. C’est bien simple, n’importe qui ayant eu un grand-père ayant un minimum d’expérience de terrain aura plus d’anecdotes intéressantes à raconter. Quid du plan séquence ? Oui, cela permet une grande immersion, mais au sacrifice de tellement d’autres choses, comme la mise en scène et le grandiose. On a un peu l’impression d’alterner entre un travelling de plusieurs kilomètres et de la caméra à l’épaule, en fonction de comment on a besoin de suivre les personnages. Et comme en plus on restera sur de l’infiltration, ce choix de plan séquence ne permet pas de vivre le cauchemar de la guerre là où l’affrontement est le plus violent. De fait, la sensation d’immersion est moindre, et des dizaines de films donnent mieux cette sensation d’être au cœur de la guerre.

D’un point de vue histoire, le film est inutile et insipide, d’un point de vue technique, il est décevant. Le travail en terme d’impact visuel et de puissance sonore est à des années lumières en dessous de Dunkerque par exemple, donc que reste t-il ? Les acteurs sont très bons (avec au passage des caméos de Colin Firth, Mark Strong, Benedict Cumberbatch et Richard Madden), mais pas de quoi s’offusquer de ne voir personne nominé aux Oscars. Alors certes, l’exercice de style était difficile, incroyablement compliqué d’un point de vue technique, et en dehors de quelques coupes facilement repérables, la plupart arrivent à se faire dans le prolongement de l’action, et la réussite est totale. Mais en dehors de cette particularité moins maîtrisée que dans The Revenant, le film souffre d’une réalisation plate et d’une histoire insignifiante. Le film réussi très bien son pari et vaut le coup d’œil pour cette seule excentricité, mais heureusement car c’est de loin son unique argument.

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Les Chevaliers du Zodiaque – La Légende du Sanctuaire

Les Chevaliers du Zodiaque – La Légende du Sanctuaire
2015
Keichi Sato

Dans les années 80-90, deux mangas tiraient spécialement leur épingle du jeu : Dragon Ball, et dans une moindre mesure mais tout de même mastodonte du genre, Les Chevaliers du Zodiaque. Alors qu’un reboot de l’anime culte a vu le jour dans une déferlante de haine sur Netflix, une adaptation de l’arc le plus populaire a été réalisé par un studio japonais il y a quelques années, sous la supervision même du créateur du manga, Masami Kurumada. Etant passé à côté au moment de sa diffusion dans le club Dorothée, il s’agissait peut-être d’une excellente porte d’entrée pour découvrir le manga ? Oh non !

Contrairement à ce que la logique voudrait, les Chevaliers du Zodiaque ne sont pas les héros de l’aventure, mais bien les chevaliers de bronze, un boys band de cinq adolescents ayant juré de protéger la déesse Athéna le moment venu. C’est justement pour son seizième anniversaire que les choses vont se précipiter : pour les méchants très vilains qui usurpent la régence depuis l’exil de son père et présentant à la cours des dieux une fausse Athéna, il était temps d’éliminer la menace.

Que quoi pourquoi ? Pas le temps voyons ! Dès le début, outre une animation déplorable rappelant les heures sombres des cinématiques où une bouillie de pixels nous régalait, on sent le pet foireux. Toute la mythologie nous est révélée par un chauffeur accompagnant la princesse en exil, et à la seconde où il parle des méchants qui ne vont pas tarder, ils arrivent. Et à la seconde où on parle des gentils qui vont l’aider, les voici. Elle rencontre à peine ses protecteurs qu’au cours de la même soirée ils sont déjà ses meilleurs amis pour qui elle se sacrifierait, le rigolo de service est déjà in-love, mais pas le temps de présenter tout le monde, go affronter un à un les chevaliers du Zodiaque pour affronter le boss de fin. Quoi ??? PAS LE TEMPS VOYONS ! Le film est une purge ahurissante, enchaînant tout sous acide dans une déferlante de blagues nauséeuses où les héros en font des caisses comme c’est pas permis. Un calvaire pour une 3D qui amoche salement la rétine, cumulant une quantité à peine croyable de clichés et coïncidences pour faire avancer un scénario qui peine à justifier quoi que ce soit. Quelques idées de design sont sympa, ça veut y mettre la dose d’action pour nous régaler de grosses bagarres, mais c’est plus navrant qu’autre chose. Fan ou pas, passez votre chemin.

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