Sans un bruit

Sans un bruit
2018
John Krasinski

Profitant d’un calendrier exceptionnel, où aux Etats-Unis plus aucun film d’horreur n’était encore à l’affiche et où tous les blockbusters ont fait beaucoup moins qu’escompté, le film a connu un destin improbable. Jouissant d’un très bon bouche à oreille, le film a non seulement signé l’un des meilleurs démarrage de tous les temps pour le genre (50 M$ en trois jours) mais a en plus connu un maintient historique, faisant pratiquement deux fois mieux que la moyenne du genre en terminant sa course à pratiquement 190 M$ sur le seul territoire américain. Sorti un peu plus tard dans le reste du monde, le film a certes joui du buzz généré outre-Atlantique, mais le calendrier lui étant moins favorable il a fait un peu moins bien ailleurs, portant le total à 340 M$. Un score par exemple nettement supérieur à Pacific Rim Uprising qui avait pourtant un budget dix fois plus imposant ! Un accomplissement incroyable, mais le film révolutionne t-il le genre ?

Semble t-il venus de l’espace sans que le film ne nous explique quoi que ce soit sur comment ils ont mit à mal l’intégralité des forces armées mondiales sans autre arme que leur force animal, le film nous plonge dans un univers post-apocalyptique où un couple (John Krasinski et Emily Blunt) et leurs deux enfants tentent de survivre dans un monde où le bruit est mortel. En effet, des monstres non-intelligents arrivés sur une comète peuvent repérer tout bruit à des kilomètres, mus par le seul désir de tuer tout ce qui trouble leur tranquillité.

Le concept du film est assez fort puisque nos protagonistes doivent redoubler d’ingéniosité pour ne pas faire de bruit et ainsi échapper à la mort. Ils recouvrent donc le sol de sable, marchent pieds nus, se parlent dans la langue des signes et évitent même de ne pas respirer trop fort tant un pet nocturne pourrait leur être fatal, c’est dire si un monstre se trouve dans le jardin mieux vaut ne pas avaler sa salive. Le film a aussi l’intelligence de développer ce qui pourrait vite passer pour des incohérences avec les bruits extérieurs, mais les monstres peuvent à l’évidence faire le tri entre le cours d’une rivière et l’eau qui coule d’un robinet. Balaise ! Ou bien arrangeant selon comment on voit les choses. A vouloir faire des aliens une si grande menace que le moindre petit bruit les alerte à des kilomètres, on en oubli les bruits naturels comme le rythme cardiaque ou la respiration. C’est à se demander pourquoi diable ils s’entêtent à rester dans un endroit si dangereux alors que tant de foyers américains possèdent un bunker et que certains lieux offrent une réelle protection. Pour essayer d’avoir un semblant de vie normale ? Personnellement me terrer dans un bunker me semble bien moins contraignant que de devoir faire attention à absolument tous mes gestes et malgré tout vivre dans une peur constante tant notre corps peut être lui-même très bruyant. Les choix de la famille ne sont donc pas très cohérents, mais le pire nous vient des monstres. Leur point faible est une évidence, mais même sans cela on voit mal comment de simples créatures de cet acabit pourraient par exemple résister face à des tanks et un armement lourd. L’état du monde ne colle pas du tout avec la menace et ça nous sort régulièrement du film.

Bref, aussi léger soit-il, le scénario ne tient pas la route une seule seconde et le postulat de départ a bien du mal à passer. Mais admettons qu’on accorde illogiquement notre suspension d’incrédulité au film, est-il si bon ? Là encore les ficelles sont énormes entre du fusil de Tchekhov facile et les habituelles conneries des enfants, largement pas taillés pour survivre dans un tel environnement. Si le dispositif prévu pour l’arrivé du quatrième est bien pensé, là encore le scénario peine à convaincre : comment peut-on faire un enfant dans un tel contexte ? Déjà il représente une menace énorme pour lui-même et toute sa famille, mais plus encore quel avenir a t-il ? Le nourrir sera un défi de taille, le protéger ne sera pas aisé, son éducation sera exécrable, et à moins de virer consanguin, sa vie sentimentale est promis au néant. Mais bon. Effectivement, en dehors de tout l’aspect écriture le film est solide, jouissant d’un bon casting, d’une réalisation léchée, de bons effets angoissants et d’un traitement du son forcément très réfléchi puisque le film tourne autour du bruit. Pour peu qu’on fasse abstraction de tout élément scénaristique, le film est une expérience sympathique et solide techniquement. Reste à savoir ce qui compte le plus pour vous, mais mieux vaut modérer ses attentes.

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