Annihilation

Annihilation
2018
Alex Garland

/!\ Pour apporter une critique la plus constructive possible, j’ai été dans l’obligation d’aborder la fin du film, donc attention aux spoilers pour ceux ne l’ayant pas encore vu.

Après avoir écrit une poignée d’excellent scénarios dans de très bons films, Alex Garland était passé à la réalisation avec succès puisque son premier long-métrage, Ex Machina, film de SF en quasi huis clos et travaillant sur la psychologie humaine et robotique, avait été largement acclamé par les critiques. Avec au final seulement 37 M$ dans le monde, son premier succès fut commercialement assez timide, mais il semblait avoir vu les choses en grand pour son second film. La première bande-annonce semblait indiquer un énorme film de SF au potentiel certain, mais il ne faut pas se fier à une campagne marketing. Loin du blockbuster épique qu’on nous vendait, affichant un modeste budget de 40 M$, le film faisait peur aux investisseurs, le jugeant trop complexe et psychologique. Bilan des courses, la sortie mondiale fut annulée, hormis aux Etats-Unis et en Chine où il a récolté 33 M$ et 7 M$ (peut-être 15 M$ en bout de course) respectivement, Netflix s’étant emparé des droits internationaux de distribution. Or quant on voit le genre de navets sur lesquels Netflix se jette, The Cloverfield Paradox par exemple, ça n’était pas matière à rassurer…

À quelques mois près, l’histoire se passe un an après qu’un météore se soit abattu sur Terre. Depuis son arrivée, la nature semble évoluer autour du point d’impact, enrobant l’environnement proche dans une espèce de brume dont rien ne ressort. Etant donné que le phénomène se propage et que les équipes envoyées à l’intérieur ne reviennent jamais, plus le temps passe et plus la situation devient inquiétante. Pionnier à avoir été envoyé à l’intérieur, l’officier Kane (Oscar Isaac) fut le premier à en être revenu vivant après plus d’un an d’absence, mais incapable de se rappeler quoi que ce soit, il a semble t-il été affecté par le « miroitement », terme utilisé pour désigner le nouvel écosystème entourant le site du crash. Souhaitant aider son mari visiblement mourant, l’ex militaire devenue biologiste Lena (Natalie Portman) va accepter de partir pour une nouvelle expédition à l’intérieur du miroitement en compagnie d’autres scientifiques et militaires (incluant Jennifer Jason Leigh et Tessa Thompson).

Bigre qu’il est difficile d’avoir une opinion tranchée sur le film. Il a à la fois des qualités marquantes et des défauts presque insurmontables. Commençons tout d’abord par sa narration. Le film fait le choix de nous raconter l’histoire par le biais d’un interrogatoire se déroulant à la quasi toute fin du récit, nous disant d’emblée que Lena s’en est sortie, ou tout du moins que quelque chose possédant son apparence physique est ressortie du miroitement, mais aussi que toutes les autres femmes l’ayant accompagné sont soit mortes soit portées disparues. Un choix globalement très mauvais, ne servant à la limite qu’à offrir une autre piste de réflexion quant à sa propre vision de la fin, mais j’y reviendrais. L’autre gros problème structurel du film nous vient de son approche, traitant son sujet via une approche hautement décevante : du classique survival-horror. Si bien sûr la réalisation est très léchée et qu’une aura de mystère nous happe, sans compter le principe même de la nature évolutive et des brillantes idées qui en découlent, globalement le film se vautre dans les écuelles du cinéma horrifique entre l’angoisse de l’inconnu, les menaces qui se tapissent dans l’ombre, les disparitions mystérieuses et les conneries qui vont avec, comme le fameux coup du « séparons-nous ». Et le pire c’est que le film s’y complaît durant les trois quart de sa durée totale, de quoi largement faire mourir toute forme d’espoir pour le spectateur. Et c’est là que la magie arrive.

Alors que le bûché était déjà prêt et que tout espoir d’assister à un grand film s’était dissipé au cours des premières 80 minutes sur les 110 que compte le film, un miracle s’opère. Le film abat enfin sa dernière carte et nous retourne complètement le cerveau, nous faisant douter d’absolument tout et tout le monde : le météore serait un vaisseau extraterrestre aux particularités stupéfiantes. Si on avait déjà vu le principe de l’évolution qu’opère le miroitement sur l’environnement et les êtres vivants s’y trouvant, on découvre alors qu’il abritait aussi une forme de vie capable de copier n’importe qui, notamment Kane qui n’est jamais revenu et qui a été remplacé par l’un des métamorphes. On assiste alors à des séquences de profond malaise où des métamorphes assimilent la mémoire et l’apparence physique d’une personne tout en copiant la gestuelle. Les questions se bousculent alors par milliers. Sont-ils doués de raison ? Font-ils cela par simple principe évolutif chaotique ou est-ce la résultante d’un plan d’annihilation de l’espèce humaine ? Peut-on alors croire à l’histoire qu’on nous raconte depuis le début ou est-ce un récit réarrangé par un métamorphe ayant prit l’apparence de Lena ? Le miroitement est-il réellement détruit à la fin ou a t-il enveloppé à son tour l’équipe qu’on voit lors de l’interrogatoire ? À l’origine contenu dans le météore, a t-il été transféré dans le corps d’une Lena évoluée ou d’un métamorphe nous faisant croire à cela ? Et c’est là que le bat blesse, remettant en cause toute l’analyse faite jusqu’alors.

Alors que le film n’est qu’un simple film d’horreur basique au montage mauvais durant plus d’une 1h20, la dernière partie chamboule tout. Le film propose alors des séquences d’une rare violence psychologique et dévoile une complexité à la mesure de l’imagination du spectateur, autrement dit colossale pour ma part. La déception se meut en fascination et rien que pour la dernière demie-heure le film se doit d’être vu, mais le sentiment d’être passé à côté de quelque chose de plus grand est lattant, laissant une indéniable amertume.

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