Cinquante Nuances de Grey

Cinquante Nuances de Grey
2015
Sam Taylor-Johnson

J’ignorais que le public de romans érotiques était aussi important, au point de faire du livre de E.L. James un best-seller mondial, et surtout de susciter autant d’intérêt pour une adaptation cinématographique. Une pétition a même circulé après l’annonce du casting pour en changer, suite à quoi le Grey initial – qui aurait sans nul doute été meilleur – a jeté l’éponge. Des fans virulents, une sortie idéale en pleine Saint-Valentin : on s’attendait à du lourd, mais pas à ce point. Près de 570 M$ dans le monde, quatre millions d’entrées en France. Un carton monumental qui ne laisse place qu’à une seule question. Est-ce une adaptation complètement bancale et outrageusement censurée ou le roman est-il à la base si ennuyeux et pudique ?

Oh oui, vient me dévergonder grand fou ! Typiquement le fantasme de la frustrée mal-baisée qui a envie de jouer les assistées de la vie en faisant un beau mariage. D’un côté on a Anastasia (Dakota Johnson), le prototype de la petite étudiante allumeuse qui joue les saintes-nitouches, et de l’autre Christian Grey (Jamie Dornan), pauvre orphelin plein de traumatismes qui s’est bâti tout seul et qui aujourd’hui est à la tête d’un empire qui vaut plusieurs milliards. Au détour d’une interview fortuite, elle va tomber sous le charme du beau et jeune milliardaire plein d’assurance, qui à son tour s’intéressera beaucoup à elle, s’imaginant déjà pervertir la jeune ingénue. Amateur de bondage et de sadomasochisme, il va tenter de l’initier.

Est-ce possible ? Y a t-il tant de femmes si frustrées sexuellement que quelques fessées et l’idée d’être attachée suffisent pour les émoustiller ? Outre d’évidents problèmes inhérents au film, son principe de base est probablement sa plus grande erreur. Qu’on se le dise clairement, à moins de ne pas avoir l’âge requis ou de sortir d’un couvant, il n’y a strictement aucune chance pour que vous y découvriez quelque chose ou que vous soyez choqué. C’est tout simplement de la sexualité de catholiques conservateurs à laquelle on assiste : ultra soft, atrocement mou, et au final ça n’est que de la piètre mise en scène pour l’acte au sens classique du terme à quelques coups de langue près (Burn After Reading était bien plus osé par rapport à sa machine). Tout est dit lors de l’une des rares scènes intéressante du film, celle du contrat (car oui, l’homme est si autoritaire et méticuleux qu’il a un contrat de fornication, et il fait une dizaine de pages) : pas de fist, quelque soit l’orifice. Ça aurait pourtant été infiniment plus ambitieux que tout le reste. Donc bon, pour un film censé être honteusement érotique et sexuellement provocateur, c’est une lourde déception tant c’est d’une banalité confondante, d’autant que pas crédible pour un sou avec l’héroïne qui a un orgasme dès que l’autre la touche. Et au passage, c’est quoi ce délire avec son pantalon ? Le type ne l’enlève presque jamais, pourquoi ? Enfin bon, peut-être que ça sera comme ses traces de brûlures sur le torse, expliqué dans les prochains films.

Donc pour l’intérêt premier du film, c’est mort. Qu’en est-il du reste ? On retrouve là une comédie romantique des plus classiques où les deux amoureux se cherchent tout du long, pour au bout du compte avoir besoin de deux autres films pour peut-être se trouver. Diantre que c’est long ! Mais dans ce domaine le film ne convainc pas beaucoup plus, la faute à des acteurs exécrables, pas aidés par des dialogues d’une bêtise absolue, discréditant chacune de leurs conversations. Et puis forcément, c’est gnangnan à souhait, le type se pliant en quatre pour elle, qui de son côté fait tout pour lui plaire et qu’ils vivent heureux jusqu’à la fin des temps. Et pourtant, il passe son temps à contredire son accord, qu’elle ne respecte d’ailleurs presque jamais, pour des broutilles en plus. La réalisation est sympa, et quelques passages de la BO font plaisir, mais c’est tout ce qu’on aura pour se consoler. L’engouement est invraisemblable, et la suite a vraiment intérêt à épicer les choses, et sévèrement, pour éviter une désertion massive.

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