Ma vie contre la mienne

Ma vie contre la mienne
2003-2017
Julien Lepage

Aujourd’hui est un jour spécial puisque non seulement je vais parler d’un livre d’un proche, mais cela faisait aussi pratiquement trois ans que je n’avais fini de livre, trouvant la lecture passablement ennuyeuse de par la médiocrité de la plupart des auteurs qui se contentent de scénarios ultra classiques et dont le style laisse à désirer, sans parler de la mollesse du récit plombé par des descriptions aussi pesantes qu’inutiles. C’est aussi pour ça que cela fait quelques années que j’ai arrêté la publication de nouvelles sur mon site, me concentrant sur de vrais romans qui visent à briser toutes les règles établies pour proposer quelque chose de beaucoup plus fort, ne se limitant pas à un simple genre ou à des thématiques fixes, et surtout visant à balayer le rythme habituel des œuvres littéraires, condensant en un livre de moins de 300 pages ce que certains étaleraient sur une quadrilogie où chaque tome dépasserait les 500 pages. Mais aujourd’hui ce n’est pas de moi dont il est question mais de celui qui m’a tout inspiré, créant une décennie avant moi son site de critiques cinématographiques où il faisait découvrir lui aussi à autrui ses créations littéraires et musicales : mon frère.

Nouvelle de 89 pages écrite entre 2003 et 2004, puis prolongée en 2006 avec l’histoire d’une dizaine de pages d’Hubert Marcheciel, près de 15 ans plus tard l’histoire prend enfin forme et un roman de plus de 250 pages développé autour de ces deux nouvelles a vu le jour en décembre 2017. Ceux qui suivent de près mes travaux savent que les premières nouvelles ont eu un impact certain puisqu’en 2014, cherchant à intéresser des CE2 à des cours de botanique, ma nouvelle Garden Man a vu le jour, rendant hommage au style et aux personnages des nouvelles. Si les enfants ne furent pas très réceptifs et que le projet de nouveaux chapitres toutes les semaines n’a pas abouti, il en a tout de même découlé un sketch que beaucoup considèrent comme mon meilleur : Hubert Marcheciel. Bref, trêves de tergiversions sur l’élève, passons au maître.

L’histoire nous plonge dans la petite ville de Saint Ronald des Monts, ville assez spéciale où les mœurs n’ont que peu d’intérêt aux yeux de ses citoyens, pour leur part peu gâtés par la nature, que ce soit sur le plan physique ou intellectuel, et parfois les deux. Lycéenne de 17 ans objet de tous les désirs, la jeune Jenny Studerbäkerstein a eu jusqu’à présent une vie sentimentale pour le moins agitée et décevante, et elle va justement décider de partir en quête du grand amour. Dans la seconde moitié, on y suivra un de ses aspirants les moins crédible, Hubert Marcheciel, d’une laideur sans commune mesure mais presque beau comparé à ce qu’il est intelligent. Jenny Studerbäckerstein trouvera t-elle le grand amour ? Swaggy arrivera t-il à faire d’Hubert un homme un vrai ?

Parodie de comédie-romantique très second degré reposant sur l’absurde, le livre se veut comme une vaste blague où le lecteur s’amuse à caillasser des handicapés physiques ou mentaux en se foutant royalement de leurs gueules. Ainsi, l’histoire, somme toute assez classique et prévisible dans son imprévisibilité (le running gag de Charly par exemple), est surtout un prétexte pour dépeindre des personnages hauts en couleurs dont les particularités amusent. C’est d’ailleurs dans les moments plus recherchés que le livre se perd, notamment durant l’enquête de Gérard-Simon ou les récits parallèles dans la seconde moitié, permettant néanmoins d’enfin développer des personnages importants tout juste évoqués comme l’astrologue. Quand le livre nous parle de ses personnages, il fascine et nous décroche de francs sourires, de même que le fil conducteur se laisse suivre sans problème, mais d’aucuns auront plus de mal avec les retournements de situations parodiques des soaps et surtout les passages quasi polars qui dénotent un peu. Un problème mit en exergue par la fameuse page 265, jouant sur une incohérence qui était évidente depuis le début et qui rend bancale une certaine quête. Mais là encore le livre joue la carte de l’humour et négocie toujours bien ses virages, faisant qu’on passe forcément un bon moment devant cette pastiche décalée, mais le côté foutraque que peuvent avoir des premières œuvres est indéniable.

On sent pas mal l’évolution entre les deux parties, la première n’ayant que peu évolué depuis 2004 comparé à la seconde qui a eu droit à une décennie entière de maturité supplémentaire. Les calembours et autres gags sont moins nombreux mais plus efficaces (en dehors des mythiques Stalline, CM2 et autres balles de magnum) et le style s’y veut plus fluide et agréable. Etant le prolongement d’un scénario qui se voulait bordélique dès l’origine, ça n’est pas ici qu’on pourra y voir de quelconques prouesses mais le pari est réussi : créer une œuvre parodique reposant sur des personnages loufoques aussi drôles qu’attachants. L’univers dénote d’une grande créativité, le style est atypique et les amateurs d’humour noir et surtout absurde trouveront là un maître du genre.




Découvrez aussi ma vidéo de présentation du roman où vous trouverez d’autres anecdotes et où je parle aussi de mes passages préférés :
https://www.youtube.com/watch?v=aXSJebSFF-w

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